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A l'ombre du feu 2 - Rainlight {Chapitre 12}

Publié le par danouch

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Chapitre 12

Le compte à rebours

 

La sentence a été prononcée un mardi matin. Dix ans de prison, la conditionnelle possible au bout de six ans et trois cent mille euros d'amende. Les avocats n'ont rien pu faire, Michael était incontrôlable et racontait tout ce qu'il savait à qui voulait bien savoir. C'était comme si il avait tout abandonné, comme si plus rien ne comptait, que sa vie jusqu'à maintenant avait peu d'importance pour lui et qu'il n'avait nullement peur des représailles. Ce qui avait considérablement réduit sa peine.

 

- Six ans ce n'est pas si long. Lui avait dit Lucius devant le tribunal.

- Ca ira.

 

Confiant, il a quitté le tribunal nullement démonté ou démoralisé parce qu'il savait qu'il allait le revoir, que le plus dur était passé et qu'il ne restait qu'à attendre.

 

Seulement c'était sans compter tous les politiques que Michael avait entraîné avec lui dans sa chute. A chaque fois que Milos voulait le voir, les portes se fermaient sous son nez les unes après les autres. Toujours pour des raisons étranges. Puis on l'a transféré dans une prison à plus de trois heures de route. Et là le voir était devenu impossible, pas une seule fois, pas même un regard, Milos avait tout tenté, même saisir la justice mais il avait l'impression d'avancer avec des chaînes aux pieds. Il avait trop fréquenté ce milieu pour savoir qu'il n'obtiendrait jamais gain de cause mais il ne pouvait pas se résigner.

 

Au final une année s'était écoulée.

 

* * *

 

- Toujours en attente pour ton audience ? Lui demande Lucius en arrivant sur la terrasse avec deux verres.

- Hum. Marmonne Milos en rangeant les nombreux documents qui jonchent la table.

- Et avec tous les gros bonnets que tu connais, tu ne peux pas faire avancer les choses ?

- Ces gros bonnets comme tu dis, sont ceux là même qui me m'empoisonnent la vie. Dit il les dents serrées.

- Tu peux lui envoie des lettres, c'est déjà ça.

- A condition qu'il les reçoit...

- Je sais....soupire Lucius. Et ton ami d'Interpol ?

 

Milos détourne aussi tôt le regard. Ca fait également un an qu'il n'a pas de nouvelle de Koran, il semble avoir disparu de la surface du globe mais il serait en vie, d'après l'enquêteur qu'il a engagé. Plusieurs témoignages concordent avec des apparitions en Asie du Sud. En revanche, il ne sait pas pourquoi Interpol continue d'émettre l'alerte disparition, c'est un vrai mystère. D'un autre côté, son problème avec Michael lui occupe encore et toujours tout son temps, les informations sur Koran viennent au compte de goutte et il arrive parfois qu'il se passe des semaines sans qu'il ne songe à lui, il a un peu de honte de se l'avouer.

Jamais le bonheur lui a semblé aussi loin et aussi proche en même temps. Depuis qu'il a fait sa promesse, il n'a pas revu Michael une seule fois, c'est comme si son histoire avait été mise en suspens pour une durée indéterminée et indéterminable.

Perdu dans ses pensées il n'entend pas Lucius se lever, il ne l'entend pas quitter la pièce et revenir les bras chargé, il n'entend même pas les pleures du bébé. Il est si loin de sa terrasse, bien au dessus de sa maison, à des kilomètres de là, traverser les murs qui les séparent, lui répéter encore une fois sa promesse pour ne pas qu'il perde espoir.

 

- Je vois que vous êtes toujours au même endroit après trois heures de courses, leur dit Moïra en passant devant la porte les bras chargés de sacs.

Sima arrive à son tour et derrière lui la petite Stella qui porte un paquet d’essuie-tout.

 

Milos relève enfin les yeux. Il remarque enfin la présence du bébé dans les bras de Lucius qui lui donne tranquillement le biberon. Le petit Arthur a les yeux rivés sur son père alors que ses lèvres continuent de presser la tétine, Lucius ne prête plus à attention à personne souriant à son enfant avec amour.

Depuis la fin du printemps ils ont un nouveau venu dans la famille, peu après le mariage il a pointé le bout de son nez. Le regard aussi tendre que sa mère et le sourire aussi malicieux que celui de son père. A peine cinq mois et déjà ils sont tous complètement fou de ses rires innocents, de ses yeux noisettes et de la manière si touchante qu'il de toujours vouloir tenir le doigts de son père lorsqu'il lui donne le biberon. De vrais guimauves.

Moïra revient de la cuisine laissant Sima et Stella ranger leurs courses, elle s'assoit sur une chaise, soulagée d'enfin pouvoir se poser observant d'un œil attendri les deux hommes de sa vie.

 

- Au fait, j'ai invité quelqu'un ce soir, j'espère que ça ne te dérange pas Milos ?

- Tout dépend de la personne. Répond Milos intrigué.

- Il est entrain de se garer.

 

La sonnerie de la porte d'entrée retentit, Milos n'a pas le temps de se lever que Stella a déjà traversé tout le salon pour faire entrer l'invité. Elle revient rapidement dans la cuisine seule, lentement Lysandre atteint la porte vitrée ouverte sur la terrasse. Milos lève les sourcils d'étonnement. Lucius penche sa tête en arrière par curiosité, croisant enfin le regard gris du garçon.

 

- Je l'ai rencontré sur le parking du magasin, ça faisait longtemps alors je l'ai invité et il a accepté.

Lucius toussote regardant sa femme du coin de l'oeil.

- Dis plutôt que tu l'as traîné jusqu'ici, il marmonne.

- Il vient de revenir de voyage ! J'ai pensé que vous aviez peut être des choses à vous dire.

- Tu l'as trouvé ? Demande aussi tôt Milos sans se soucier du tact.

 

Les deux autres se tournent vers Lysandre qui fronce à son tour les sourcils et détourne le regard. Une année passée à vagabonder, et s'il a une légère barbe qui le vieilli un peu, il a toujours le même regard bourru et sauvage.

Tout le monde comprend alors qu'il n'a pas retrouvé Andreï. Milos ne peut s'empêcher d'être un peu déçu et lui propose de prendre la chaise à sa droite encore vide. Lysandre s'y assoit à reculons, visiblement peu à l'aise en leur compagnie, Moïra a effectivement dû lui forcer la main pour venir jusqu'ici. Après tout, il n'y aucune complicité entre eux, que ça soit avec Milos ou avec Lucius, Moïra semble être la seule qui le connaît un tant soit peu.

 

- Il finira par revenir. J'en suis certaine, sourit Moïra.

- Peut-être. Ca n'a plus d'importance..., lui répond faiblement le plus jeune en portant son regard vers le bébé.

Milos relève aussi tôt les yeux vers lui.

- Qu'est-ce que tu sous-entends ?

- Rien. Il répond simplement.

 

C'est seulement à ce moment là qu'il remarque cette mauvaise note dans sa voix, trop faible, trop monotone même pour Lysandre. Le visage trop morne, trop fatigué. La légère barbe négligée, trop négligée, les cheveux en pagailles, les cernes, les épaules affaissées, les bras amaigris. Ca lui saute brusquement aux yeux, ce qu'a certainement vu Moïra quand elle est tombée sur lui : la dépression lancinante, qui ronge tout ce qui reste de lui.

Il a baissé les bras. C'est un mythe qui s'écroule pour Milos, c'est comme perdre son modèle car sans s'en rendre compte c'est sa détermination, c'est son exemple qui l'a poussé à ne pas lâcher prise, à ne pas abandonner et ce malgré les obstacles. Alors c'est ça sa limite ? Un an ? C'est tout ce qu'il peut subir ? C'est tout ce don il est capable ?

 

- Tu as raison, lui dit soudainement Milos. C'est mieux pour toi. Comme ça tu n'aura plus à t'inquiéter pour lui, tu t'en sortira mieux sans lui. Tu n'as pas besoin de lui pour avancer. Oublies le et continues ta vie.

 

Lucius est surpris mais il comprend très vite où veut en venir Milos et ça le surprend d'avantage. Il ne serait dire pourquoi mais ça ne lui ressemble pas de s'inquiéter pour un inconnu car au fond Lysandre est un inconnu, il l'a toujours été. Il n'a jamais aimé se mêler aux autres, Andreï était le seul à pouvoir le comprendre, le seul qui pouvait lire en lui et – Lucius doit bien l'avouer – c'était réciproque. Il est parti seul à sa recherche, sans compter sur les autres, sans espérer leur soutien. Il n'a jamais eu besoin de personne, si ce n'est d'Andreï. Impulsif et explosif. Et s'il a toujours voulu garder un œil sur lui, plus pour Andreï que pour lui-même, il n'a jamais vu Milos vraiment s'inquiéter pour le rouquin. Le voir essayer de lui redonner espoir c'est d'autant plus inattendue que cela semble marcher.

 

- De quoi je me mêle ? Et puis vous, qu'est-ce que vous avez fait jusqu'à maintenant ?

Milos hausse les épaules.

- J'attendais patiemment que tu fasse tout le boulot à ma place, mais si tu abandonne va falloir que je m'y mette sérieusement.

- J'ai pas dis que j'abandonnais ! Il s'écrie furieux.

- Ca en avait tout l'air en tout cas.

Lysandre devient rouge de colère, il essaie de la contenir tant bien que mal.

- C'est faux...Je...Je le trouverai mais en attendant je dois...

 

Plus de réponse, tiraillé entre son envie de crier et son envie de pleurer, Lysandre se lève brusquement et s'éloigne rapidement vers la sortie. Moïra s'apprête à le retenir quand Milos lui fait signe de rester assise, il se lève à son tour pour rattraper le plus jeune déjà dehors qui avance jusqu'à sa voiture, la mâchoire contractée, la gorge serrée. Il ouvre la portière mais Milos le retient à temps, il le force à se retourner mais Lysandre garde le visage tourné, prêt à exploser.

 

- Tu rentres chez toi, c'est ça ? Tu vas te terrer dans ta chambre ? Maudire Andreï, maudire le monde entier de t'avoir laissé tomber ? Tu vas ruminer tout ça jusqu'à te dégoûter ? Tu crois que c'est une solution ? Je croyais que tu l'aimais. Je croyais que tu pouvais pas vivre sans lui. Où est passé ta volonté à toute épreuve ?

- Elle est épuisée ! Il s'écrie. Je suis épuisé...J'ai parcouru tous les pays du monde ! Il a disparu ! C'est comme s'il n'avait jamais existé...Je sais plus quoi faire...

- Bien sûr que tu le sais. Tu dois reprendre ta vie sans jamais cesser de l'aimer. Il reviendra, j'en suis sûr et certain, et s'il ne le fait pas alors c'est moi qui le ramènerait. En attendant reprends tes études, ne rend pas son sacrifice inutile, sinon il n'aura aucune raison de revenir.

- Comment vous pouvez en être si sûr ?

- Je suis son frère. Je le sais c'est tout. Fais moi confiance.

- Je ne sais pas si je pourrai...

- Tu n'as pas le choix. Tu es mon modèle.

- Hein ?

- Rien. Sourit Milos. Allez, reviens à l'intérieur, après tout tu es notre invité.

 

Lysandre reste immobile quelques secondes avant de se décider à suivre Milos, tête baissée, incapable de montrer le moindre sentiment de gratitude ou de remerciement. Il restera silencieux toute la soirée jusqu'au repas mais c'est sans compter Stella qui n'a d'yeux que pour lui et ses cheveux flamboyant si semblable à ceux de sa mère. Elle ne cesse de lui parler, oubliant complètement Lulu et le bébé. Elle n'arrive pas à lui décrocher un seul mot mais elle s'en fiche, elle n'en a pas besoin et tient parfaitement toute la conversation à elle seule. Le plus étonnant c'est que même s'il ne lui répond jamais, elle a réussi à captiver toute son attention. Sima arque un sourire du coin des lèvres gardant un œil attentif sur l'enfant en toute circonstance, d'autant plus quand il s'agit d'un homme qu'il ne connaît pas.

Oh il a très souvent entendu parler de Lysandre ! Il est un grand sujet de conversation entre Milos et Lucius, il connaît d'ailleurs bien la relation qui le lie avec le cadet de ses frères pour l'avoir entendu des dizaines de fois sous divers point de vue. Le plus souvent Lysandre s'est trouvé affublé de divers surnoms tous plus ou moins risibles même si pas une seule fois il n'a senti de réelle méchanceté de leurs dires. Lucius aime particulièrement se moquer de lui, Milos reste plus discret préfère souligner à quel point il peut être stupide.

Malgré toutes ces histoires, il reste méfiant en bon père protecteur qu'il est. Non pas qu'il sente une quelconque menace, c'est même tout le contraire. Ce comportement puérile et indomptable est plutôt synonyme d'innocence pour lui que de dangerosité. Ce n'est pas une raison pour lui faire trop vite confiance.

Il lui a fallu pas mal de temps avant de laisser la petite seule avec Lucius, mais aussi avec Milos. Maintenant il peut partir sans être trop angoissé même s'il garde toujours cette petite boule au fond de l'estomac. Moïra ne cesse de lui répéter que c'est naturel, que cela ne vient pas forcément de son passé douloureux, c'est simplement qu'il est trop protecteur. Elle aime le charrier gentiment à ce sujet, lui répétant qu'il va vivre des années difficiles une fois qu'elle sera rentrée dans l'adolescence.

 

A la fin du repas, Lucius part coucher Arthur dans la chambre d'ami, il reste un moment avec lui en attendant qu'il s'endorme échappant sournoisement à la corvée de débarrasser la table. Lysandre aide naturellement à la tâche, ayant l'habitude d'aider sa grand-mère chez lui mais cette fois ci il est suivi de près par la petite Stella.

 

- Et puis l'école c'est pas si dur ! C'était maman qui me faisait l'école avant...Mais je m'améliore vite la maîtresse elle a dit ! Les autres sont gentils avec moi en plus, sauf Guillaume ! Guillaume il arrête pas de me voler mes crayons et il me tire les cheveux ! J'aime pas Guillaume. Il est trop bête. Moïra dit que parce qu'il veut me parler mais il sait pas comment faire. Je comprends pas. Guillaume il sait parler. Dit elle visiblement désappointée. Je sais parce que des fois il m'appelle et me fait des grimaces ! C'est un bébé comme Arthur !

- Tu n'as pas soif Stella ? Demande Milos en apportant les derniers plats dans la cuisine.

- Non, merci. Dit elle avec le sourire.

- C'était juste pour savoir, sourit Milos en regardant Lysandre qui comprend la petite moquerie.

- Et toi t'as soif Lysandre ? Lui demande Stella.

- Non. Merci. Il sort de la cuisine, l'enfant sur ses pas.

- Et puis il y a Julie ! Julie c'est ma copine. On rigole bien avec Julie !

 

Milos laisse échapper un petit rire tout en programmant le lave vaisselle. Il soupire se laissant aller à la fatigue quelques secondes. Ces derniers jours il ne dort pas beaucoup, toute cette affaire pour réussir à voir Michael lui prend tout son temps mais aussi toute sa santé. Il y pense nuit et jour et n'arrive pas à trouver la solution. Il laisse tomber sa tête en avant, fermant les yeux pour revoir son visage, la dernière fois qu'il a vu son visage. En un an nous ne sommes pas censés changer radicalement, mais en prison il n'y a rien de censé. Comment est-il ? Que fait il ? Est-ce qu'il pense à lui ? Il aimerait tellement pouvoir lui demander.

Milos décide de préparer du café, il patiente seul dans la cuisine, les bras croisés et le pensées toujours prise à se poser un milliers de questions. Il est interrompu par Lucius qui a fini par laisser Arthur, il se frotte l'arrière du crâne en baillant.

 

- Je ferai bien la sieste moi aussi.

- Tu peux toujours dormir avec ton fils, le lit est assez grand.

- Je déteste dormir à côté de lui, j'ai toujours peur de l'écraser sans m'en rendre compte, dit il en secouant la tête.

 

Milos hausse les épaules et regarde le café coulé. Lucius vient s'appuyer sur la table en face de lui, soudainement il laisse échapper un petit rire ce qui intrigue le brun.

- J'imaginais la tête d'Andreï s'il nous voyait. Dit il en les désignant tous les deux. A ce parler normalement.

- On s'est toujours parlé normalement.

Lucius fronce les sourcils, Milos lève les yeux au ciel.

- Pas tout à fait normalement, il concède.

- Heureusement que je suis sympa. Souffle Lucius.

C'est au tour de Milos de froncer les sourcils mais Lucius se contente de sourire.

- Toujours aussi modeste en tout cas.

- C'est tout moi. Dit il en s'étirant. Putain ce qu'il me manque ce con...

 

Il prend plusieurs tasse dans le placard et retourne dans le salon sans un nouveau regard vers Milos qui se sent encore plus morose.

 

- Tu n'es pas le seul..., il murmure pour lui-même.

 

Milos éteint la cafetière pour embaumer l'autre pièce d'une forte odeur de café. Comme depuis une bonne heure maintenant, Stella ne lâche toujours pas Lysandre qui est assis sur les escaliers de la terrasse. Il peut entendre de l'intérieur la voix guillerette de Stella qui continue de lui raconter sa vie sans relâche.

 

- Ce garçon est une d'une patience à toute épreuve. Murmure Moïra impressionnée.

- Seulement avec les enfants alors, tu aurai dû voir comme il était impulsif avec Andreï ! Une vraie boule de nerfs. Reprend Lucius.

- Il est simplement gentil avec elle. Leur dit Milos.

- Peut être que ça lui fait du bien, intervient Sima. Ca n'a pas l'air de vraiment le déranger et je crois même qu'il l'écoute.

 

Lucius en doute fortement mais il n'en dira rien, il se sert un café baillant une nouvelle fois. Sima arque un petite sourire en coin, lorsqu'il remarque les lèvres bougées de Lysandre, la petite a cessé son monologue et boit avec plaisir la moindre de ses paroles. Il sourit, il lui parle et elle écoute attentivement sans que personne ne les remarque à part lui.

 

- Tu pourra tous nous soigner alors quand tu seras docteur ! Moi aussi je veux être docteur !

- C'est très difficile, tu sais.

- J'y arriverai, comme ça on pourra travailler ensemble ! Sourit l'enfant de toute ses dents.

- D'accord. Sourit Lysandre du coin des lèvres. Tu as intérêt de ne pas oublier, c'est une promesse.

- Croix de bois croix de fer ! Dit elle en faisant le signe sur son cœur.

 

Lysandre laisse échapper un petit rire. Le premier depuis des mois, il soupire même de soulagement en ressentant cette petite touche de joie au fond de sa poitrine, comme s'il pouvait mieux respirer.

 

- Dis Lysandre, c'est vrai que tu es l'amoureux de tonton Andreï ?

Lysandre écarquille les yeux. Il ne faut vraiment pas sous-estimer les enfants et leur sens de la déduction.

- Hum. On peut dire ça. Dit il faiblement.

- Je le connais pas mais Papa m'a dit qu'il était très gentil...Mais moi je le trouve méchant, dit elle contrariée. Il est parti et il veut même pas venir nous voir. Pourquoi est-ce qu'il est parti tout seul si tu es son amoureux ? Moi je l'aime pas.

- C'est compliqué...Il n'avait pas le choix, avoue difficilement Lysandre. Il a essayé de me protéger...

- Pourquoi ? Quelqu'un veut te faire du mal ? Demande-t-elle inquiète.

- Plus maintenant.

 

Lysandre se veut rassurant et lui ébouriffe les cheveux comme a pu lui faire de nombreuses fois Andreï lorsqu'il avait encore du mal à lui parler. Maintenant qu'il y pense, il est envahi de regret, le regret de pas avoir su profiter, d'avoir perdu tant de temps pour lui dire ses sentiments. Ceux là même qu'il a ressenti dès le premier regard, dès les premiers mots et qui ont explosé dans son cœur au premier baiser.

 

- Il me manque, il murmure.

- S'il est amoureux de toi, alors tu dois lui manquer aussi ! Un jour il reviendra parce que ça fait trop mal quand quelqu'un nous manque...

 

La petite fille perd son sourire, elle cligne plusieurs fois les yeux perdus dans ses souvenirs. Ses épaules se relâchent et son dos se courbe imperceptiblement. Lysandre remarque alors sa soudaine morosité, il jette un regard en arrière, derrière eux les autres discutent et parmi eux le père de Stella. Il reporte alors son regard vers l'enfant puis il comprend. Sans dire un mot il lui donne un petit coup d'épaule pour la faire réagir, elle sort de sa léthargie, Lysandre lui tire la langue et se redresse d'un seul coup.

 

- Tu veux retourner à l'intérieur ?

- On pourrait jouer aux dames ! Tu veux bien jouer aux dames avec moi ? Oncle Milos m'a appris à jouer.

- D'accord mais je te laisserai pas gagner tu sais.

- Moi non plus, dit elle avec un regard de défi.

 

* * *

 

Sur ce qui a semblé être une simple invitation de courtoisie, Lysandre est resté toute la journée à jouer avec Stella aux dames. Milos s'est éclipsé peu de temps après son café pour s'enfermer dans sa chambre avec son tas de papier administratifs, il a passé de nombreux coup de fil et c'est l'un d'entre eux qui a définitivement ruiné sa journée.

 

- Ils ont ajourné l'audience...

- Encore ! Il s'est exclamé.

- Contrôle des procédures.

- C'est un toujours un putain de contrôle ! Ils ont déjà contrôler quatre fois cette putain de procédure ! On a tout donné, fait tout ce qu'ils voulaient ! Qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour qu'il m'écoute ? Que je suce l'un d'entre eux ! Tu me diras je l'ai peut-être déjà fait par le passé, ils ont perdu le goût de l'exclusivité !

 

Milos se retient de hurler et d'envoyer valser son portable à travers la pièce, il se contente de se mordre la langue s'empêchant de jurer d'avantage. Excédé, il fait les cent pas dans sa chambre, de l'autre côté du combiné son avocat préfère attendre que le calme revienne avant de continuer.

 

- J'ai quand même une bonne nouvelle. Le transfert de votre frère devrait avoir lieu d'ici quelques jours. C'est une question de temps.

- De temps. Répète Milos plein d'espoir.

- Je lui ferai passer votre message.

- Merci.

 

Les deux hommes raccrochent, Milos est complètement dévasté devant ce nouvel échec mais au moins il aura très bientôt des nouvelles de lui, même si c'est par l'intermédiaire de quelqu'un d'autre. Il a beau le répéter plusieurs fois dans sa tête, ça ne suffit pas. Il est loin de ressentir un réel soulagement car aussi tôt, c'est la fatigue qui reprend le dessus. Fatigué de devoir se battre, fatigué de devoir se résigner à ce que leur prochaine rencontre ne se fasse que dans cinq ans.

Milos se jette sur son lit, cachant son visage dans ses oreillers, mordant à pleine dents le tissu, fermant les yeux aussi fort qu'il peut et criant toute sa frustration en silence.

Cinq ans ce n'est rien quand on a attendu plus de dix ans maintenant...

Cinq ans c'est une vie entière quand on a enfin réussi à ouvrir son cœur.

 

- Tu fumes maintenant ? S'étonne Lucius en rejoignant Lysandre à l'extérieur. J'en connais un qui serait très surpris.

Lysandre retire sa cigarette de sa bouche, l'observe une seconde puis il tire à nouveau dessus.

- J'ai retrouvé un paquet peu de temps après qu'il soit parti. J'ai voulu essayer.

- T'es devenu accro.

- J'ai trouvé sa dégueulasse. Le reprend Lysandre. Mais j'ai continué. Quelque part ça me donne l'impression qu'il n'est pas réellement parti.

- Il n'est pas mort tu sais.

- C'est tout comme, lui dit Lysandre très sincèrement. La seul différence c'est qu'on souffre pas seulement de son départ, on souffre également de savoir qu'il n'a pas réellement disparu et qu'on est pas sûr de le revoir un jour.

 

Lucius ne trouve rien à lui répondre. Il ne pourra jamais comprendre les sentiments de Lysandre car lui, son âme sœur est dans l'autre pièce. Bien sûr il souffre de ne pas pouvoir serrer son frère dans ses bras mais ce n'est pas comme si il avait perdu sa moitié, comme si son existence avait perdu tout son sens. Andreï lui manque mais grâce à Moïra et son fils, il n'est plus seul. La douleur est moins pénible. Il est persuadé qu'il le reverrai un jour, il ne sait pas quand, mais il le reverra alors il tient. Ce que ne peut pas faire Lysandre car ce n'est pas un frère qu'il a perdu, c'est son autre. C'est un sentiment inconnu pour le chanceux Howkins. Le seul qui pourrait le comprendre c'est Milos. Celui là même qu'il a entendu crier il y a quelques minutes.

 

- J'abandonnerai pas. Murmure Lysandre en jetant sa cigarette. J'ai cru que je pouvais mais ça n'arrivera jamais. Ce n'est pas une question de volonté. J'en suis juste incapable.

- Tu vas repartir à sa recherche à travers le monde ?

- Je continuerai mais je ne partirai plus.

 

Lucius fronce les sourcils ne saisissant pas ce que veut dire Lysandre. Le plus jeune lève les yeux au ciel qui s'est bien assombri.

- Je vais reprendre mes études, je vais réussir et ensuite je lui ferai regretter de m'avoir laissé tomber.

 

Comme une promesse qu'il se fait à lui-même, Lysandre répète son serment sans jamais quitter des yeux le ciel, Lucius a disparu, il n'y a que lui et sa détermination. Lui, sa détermination et Andreï.

Le rouquin revient sur terre, il frissonne puis il rentre à l'intérieur et salue tout le monde en récupérant sa veste. Il remercie Moïra, Lucius, fait un clin d'oeil à Stella et enfin salue Sima. Milos n'est pas revenu et il semble qu'il ne veuille pas être dérangé. Ce n'est pas lui qui ira le chercher pour lui dire au revoir, il repart simplement laissant une étrange sensation sur chacun d'eux.

De la joie extrême pour certain, l'impression d'avoir un nouvel ami. Un mystère sauvage mais qu'il lui plairait de découvrir pour d'autre. Lucius soupire le regard moqueur.

Si tu le voyais Andreï...Je suis sûr que tu ne penserai plus une seconde à partir. Toujours fidèle à lui même.

La petite famille des Howkins est parti peu de temps avant le dîner, Milos n'a pas daigné leur souhaiter la bonne nuit, enfermé dans sa chambre. En réalité il s'est endormi et n'a pas vu le temps, s'est ainsi qu'il a ouvert brusquement les yeux au milieu de la nuit. A plat ventre sur le lit, toujours habillé, il a mis quelques secondes à se remémorer ses derniers souvenirs. L'appel de son avocat, la crise de nerfs. Milos secoue la tête, il se relève et ouvre la porte de sa chambre surpris de voir la maison plongée dans la nuit et le silence le plus total. Il n'a pas pensé à regarder l'heure mais il peut avancer sans se tromper qu'il est tard. Beaucoup trop tard pour espérer manger quelque chose.

Il descend en traînant des pieds jusque dans la cuisine prendre une bouteille d'eau et un paquet de biscuit, il s'apprête à remonter dans sa chambre quand il est arrêté par une silhouette de l'autre côté de la fenêtre. Assit sur la terrasse au clair de lune, Sima semble boire une boisson chaude en observant les étoiles.

Milos reste une minute immobile à l'observer. Ses longs cheveux noirs, semblable à ceux d'Andreï, à ceux de Dejan mais surtout de leur père. Le moindre courant d'air fait virevolter de longues mèches autour de lui mais il est imperturbable. Plus serein qu'il y a un an, les insomnies ne l'ont cependant pas quittées. Comme un reste de son passé qui ne veut pas le quitter. La peur de fermer les yeux et qu'au réveil il se rende compte que tout ceci n'était qu'un rêve. Milos prend une profonde inspiration puis il remonte dans sa chambre, laissant son frère à sa contemplation du ciel. Perdre le sommeil à son tour est la dernière chose qu'il souhaite car pour lui dormir est un réel apaisement. La seule façon d'oublier les difficultés du quotidien pour quelques heures. C'est aussi la seule façon pour lui de retrouver Michael et de pouvoir l'enlacer sans personne pour les séparer. Et ce, même si le réveil dans la réalité est d'autant plus difficile.

 

Ce qu'il ne sait pas c'est que comme Sima, un autre de ses frère contemple le ciel, à l'autre du bout du monde. Lui aussi il a perdu le sommeil et ses pensées ne sont peuplées que de souvenirs des gens qu'il aime et qui lui manque terriblement. Assis sur sa chaise en bois, il regarde le levé du soleil, priant pour que le temps passe plus vite encore.

 

* * *

 

- Vous avez apporté le paquet ?

- Je l'ai. Mais vous ne devriez pas traîner avec ça sur vous. C'est dangereux.

 

Koran Hamley, ou plutôt sa version mal rasé à l'hygiène douteuse ouvre le paquet en carton que lui a apporté le serveur du bar. Bien cachés dans les stocks, il fouille à l'intérieur ressortant plusieurs morceaux de tissus avant d'en tirer une cross brillante. Il observe l'arme automatique sous le faible rayon de lumière qui traverse une latte en bois du mur. Il fait le tour, enlève le cran de sûreté, amorce le canon puis il désamorce et en retire la balle qu'il observe à son tour.

 

- Intraçable, il murmure pour lui-même.

- Vous devriez le ranger, même ici on est pas à l'abri.

 

Koran le range dans son dos, puis il sort vivement de la petite pièce. Il passe le rideau au bout de couloir pour arriver dans la salle du bar d'où s'extirpe un brouhaha incessant de voix. Sans attendre, il sort du commerce pour arriver sur la rue bondée. Les vélos chargés de branches coupées passent devant ses yeux, la rue n'est pas goudronnée dans ce petit village à une centaine de kilomètre de Java et une sorte de fumée de poussière les entoure constamment. Seulement l'agent Hamley n'a pas le temps de traîner, il se mêle à la foule, traverse les petites ruelles, frôlent les jeunes femmes portant des paniers en osiers sur leurs têtes. Il retrouve enfin le petit scooter qu'il a emprunté, il grimpe rapidement dessus et démarre en trombe jetant un regard en arrière. Il n'y a personne, du moins c'est ce qu'on veut lui faire croire. Ce n'est pas pour rien s'il a été chargé de cette mission particulière dans l'un des endroits les plus reculer du monde. Il est capable de sentir une filature avant même qu'elle n'ait commencé.

Une simple mission de repérage qui a pris une ampleur incontrôlable. Remonté la chaîne, jusqu'aux fondations, jusqu'à la révélation. Disparaître pour qu'on l'oublie sans jamais abandonner sa seule et unique tâche. Renverser les monstres promoteurs de la chair humaine. Renverser Casey Howkins.

 

Au début des années quatre vingt, lorsque le patriarche Howkins s'appelait encore Reginald, que Casey n'était encore que son jeune héritier, la traite des enfants était encore discrète au sein de leur service de prostitution. C'est en Asie, que le phénomène débuta, au sein même de ce village. A en croire les pistes de Koran tout du moins. Il pourrait faire état des nombreuses causes qui orientèrent les grands noms vers ce continent. La seule qui revient est la pauvreté laissé par la guerre.

Le nom des Howkins n'était qu'un nom parmi tant d'autres au sein de la Cour, Réginald n'avait qu'une petite compagnie de pêche et ce fût lors de ses nombreux voyages que lui vint l'idée. Fortement influencer par de nouveaux amis qui payaient allégrement ce genre de service, Réginald – en bon génie des affaires – se fît la remarque que si ces hommes pouvaient payer fortement pour de piètres prestations dans des maisons de passes miteuses, ils pourraient se damner pour les mêmes services d'une toute autre qualité. Celles qu'exigeait leur rang.

Au départ il se fournissait en jeune adulte uniquement, puis avec le temps et les quelques problèmes de discipline que son commerce impliquait, un homme lui fît la proposition. Pourquoi ne pas prendre des enfants ? Les éduqués à leur métier, les modeler pour le rôle. Koran n'a pas encore trouvé de détails et les témoignages sont trop flous pour réussir à se faire une réelle idée mais pour une raison inconnue, Réginald refusa. Cependant il vît là encore un nouveau moyen de s'enrichir et de grandir son nom.

Réginald Howkins fût le premier intermédiaire en Asie du Sud dans la traite des enfants. Sous couvert de son entreprise de pêche, il dispersait sa marchandise de chair humaine sur tous les continents.

Les années qui suivirent restent inconnues pour Koran, il en connaît la version plus ou moins officielle qui explique comment Réginald Howkins est devenu le Roi de la Cour, comment il a peu à peu imposer son nom parmi une centaine d'activités commerçantes différentes. Pour lui, il reste le criminel le plus riche des années quatre vingts.

A sa mort, en quatre vingt sept, c'est Casey qui a repris la tête de l'empire et la chose qui le démarquait de son père c'était qu'il avait complètement arrêté la traite des enfants. Du moins c'est ce qu'il fît croire, nulle part son nom fût mentionné, ni aucun de ses pseudonymes dans le milieu. Jusqu'à il y a un an. Lorsqu'il rencontra Vigo Komansky à Londres.

Vigo était un homme très surveillé par toutes les organisations de polices internationales, son nom apparaissaient sur plusieurs rapport, lorsqu'il y avait un scandale politique, du blanchiment d'argent, trafic de drogue, crime organisée, Vigo finissait par apparaître un instant. Les amis de Koran l'avait surnommé le Négociateur. Vigo était un émissaire qui faisait payer ses services pour être exposé en lieu et place des hommes connus mais qui ne voulaient pas l'être dans ce milieu. Malheureusement la simple mention de son nom dans les dossiers ne suffisait jamais pour l'arrêter, il était bien trop malin et il en usait que trop bien.

Cependant Vigo avait accepté de parler à Koran. Ils avaient pris contact en Estonie, alors qu'il cherchait Sima, il avait aperçu Vigo et l'avait filé jusqu'à son hôtel. Vigo l'avait bien évidemment remarqué et pour une étrange raison il lui proposa une rencontre à Londres, quelques jours plus tard. C'est seulement lorsqu'il revît Milos, qui l'informa de la présence de Casey à Londres que Koran comprît. Vigo s'était délibérément montrer à lui, très certainement sous les ordres de Casey.

 

- Détrompez vous, lui avait dit Vigo avec cette accent prononcé des pays de l'Est. Je suis là de la part de quelqu'un d'autre.

- Qui donc ?

 

Les deux hommes s'étaient retrouvés dans un restaurant au bord de la Tamise. Entourés par le bruit des autres clients ils pouvaient parler sans avoir peur d'être entendus ou capter par un quelconque micro.

 

- Connaissez vous Neven Petrovic ?

Koran avait senti son cœur manqué un battement. Il lui semblait qu'il avait mal entendu et que son esprit était encore trop préoccupé par Milos.

- Petrovic ?

- Le frère de Milos Petrovic si vous préférez.Mais je vois bien que ça vous trouble alors je vais vous expliquer si vous le voulez bien. Monsieur Neven Petrovic n'est pas celui que vous croyez. Comme vous le savez très certainement, il a vécu en Serbie jusqu'en quatre dix sept, puis il a été vendu à un organisme criminel pour servir de marchandise. Contrairement à ses frères qui ont très vite trouvés acquéreur, Neven Petrovic était destiné à rester parmi les hommes qui l'ont achetés à sa famille. Il était trop vieux pour les clients de la Naša Stvar .

- La mafia serbe.

- Mais en quatre vingt dix neuf, après une descente dans la maison de l'un des hommes de mains, le gouvernement anglais qui avait exécuté toutes les personnes présentes, vît en Neven, l'enfant rescapé du massacre, une...opportunité !

 

Koran avait froncé les sourcils. Il avait l'impression de déjà connaître la suite. Vigo avait ce sourire particulièrement désagréable : Fier, impétueux, il donnait cette impression d'homme malhonnête intouchable qu'il avait toujours eu en horreur. Il s'était pourtant retenu, espérant en apprendre plus sur « l'opportunité ». Vigo s'était alors essuyé le coin de la bouche et d'un regard il l'avait invité à sortir du restaurant.

Les deux hommes avaient quitter le bâtiment, se mêlant à la foule des passants sur les rives de la Tamise.

 

- Ce n'était pas la première fois, avait reprit Vigo. L'expérience s'était déjà révélée concluante en ex-Union soviétique.

- Soyez plus explicite.

- Neven fut entraîner, élever pour devenir une arme britannique.

- Militaire ?

- Ne cherchez pas, vous ne trouverez son nom dans aucun fichier, rapport, document, rien. Officiellement Neven Petrovic a disparu. Neven Samwell en revanche est un prisonnier sous haute surveillance.

- Une mission d'infiltration...

- La seule chose que je peux vous assurer est qu'il a énormément œuvrer pour le gouvernant britannique. L'enfant retrouvé était bien plus doué que prévu, le meilleur et ils ont su l'exploiter.

Là où je veux en venir Agent Hamley, c'est que Neven Petrovic a bien plus joué ici que Monsieur Howkins. Lorsqu'il fût arrêté, il ne tenait pas un tableau entre ses mains mais des documents top secret qui impliquaient un grand nombre de personnes dans le trafic de chair humaine, notamment d'enfant. Documents qui nommaient précisément ces personnes, photos, lettres, enregistrement.

- Des personnes comme Casey Howkins.

Vigo avait sourit, il s'était arrêté et faisait face à Koran, immobile parmi les passants pressées.

- Des personnes comme des ministres, des présidents, des Lord...Agent Hamley. Vos patrons, vos supérieurs, peut être même vos amis. Dans ce monde, tous sont coupable sans avoir besoin d'être un membre actif de ce processus. Réfléchissez, avec tous vos effort, tous vos moyens pourquoi n'arrivez vous toujours pas à mettre à la main sur les vrais coupables à votre avis ?

- On aurait essayé de le faire taire ? C'est ce que vous voulez dire ?

- Neven Petrovic purge sa peine en toute tranquillité, soyez sans crainte mais il n'est pas du genre à se laisser attraper pour rien et il a besoin de vous.

- De moi ? Que cherche-t-il ? Pour qui travaille-t-il ?

- Pour lui-même. Il fait comme vous, il remonte la chaîne. Il n'est pas utopiste, il sait très bien qu'il ne pourra pas empêcher ce trafic d'exister comme il ne pourra jamais éradiquer la cruauté humaine, mais il peut essayer de trouver son premier maillon.

- Si je comprends bien, c'est lui qui vous envoie à moi ?

- Non, Agent Hamley. C'est vous qui êtes venu à moi.

Vigo s'était rapproché, encore avec ce sourire suffisant.

- Nous sommes surveillés Agent Hamley, murmurait Vigo. Vous l'êtes constamment.

- Howkins. Avait murmurait à son tour Koran.

- Pas seulement. Mais il vous veut, il sait que vous pouvez l'aider à retrouver la personne qui est en possession de ces documents secrets.

- Neven a été arrêté avec ses documents, n'est-ce pas ce que vous avez dit ?

- Croyez vous qu'un homme de son envergure se serait laissé attraper sans en faire une copie ? Ces documents sont déjà en la possession de quelqu'un d'autre, et sans le savoir. Nombreux sont ceux qui aimeraient récupérer cette copie.

- Qu'attend-t-il de moi ?

- Vous devez disparaître. Aux yeux de tous. Même de vos supérieurs. Il faudra vous rendre là où tout à commencer. Trouver le premier maillon.

- Où est-ce ?

- Vous le trouverez. Neven a confiance en vous. Vous devez opérer seul, c'est votre seule chance d'échapper à vos ennemis comme Casey Howkins.

- Pourquoi faites vous ça ? Qu'avez vous à y gagner ?

Vigo souriait toujours mais un sourire plus discret, une lueur nostalgique traversait son visage.

- J'ai plus de points commun avec Neven que vous ne pouvez l'imaginer.

 

Le polonais s'était retiré ensuite, sans se retourner, il s'était noyé dans la foule jusqu'à disparaître laissant seul Koran dans la ligne de mir du fusil de précision qui les observait depuis le début de leur entrevue.

 

***

 

Il a fallu du temps à Koran pour réussir à croire Vigo et il n'a jamais été question de le croire sur parole. En retrouvant le dossier du procès de Neven, les preuves, les témoignages, il s'est rendu compte rapidement que tout a été orchestré de main de maître. Pas seulement des incohérences mais des absurdités, des trous béant sur la chronologie ou même encore sur les liens de causalités. Puis la discrétion de l'affaire face au public, quasiment expédiée. Il a eu du mal à y croire, il a même tout fait au départ pour trouver des explications logiques mais il s'est vite rendu à l'évidence. Rien ne tenait debout et pourtant croire que Neven était un agent « secret » britannique lui semblait tout aussi absurde. Il a continué ses recherches, sur l'histoire même de Neven Petrovic et non sans mal. Il s'est très vite heurté à un mur, comme si Neven avait disparu de la surface du globe après le massacre dans la villa d'un commanditaire de la mafia serbe. Il ne lui restait plus qu'à rencontrer Neven pour s'en faire une opinion mais très vite il a compris que c'était la dernière chose à faire. De toute façon, son opinion était toute faite, que ça soit pour Neven ou pour un autre, il devait lui aussi trouver un premier maillon. Et à en juger par les dossiers incomplets et les éléments classés « top secret » il ne pouvait plus faire confiance à sa hiérarchie.

 

Une année plus tard, Koran a effectivement disparu. Les agences internationales doivent certainement savoir dans quelle région du globe il se trouve maintenant : il y a deux mois il a senti les premières filatures. Ennemis ou supérieurs, il ne peut pas savoir et ne veut pas. Il continue sa route, échappant à chaque fois à leur regard.

C'est ici que tout à commencer pour les Howkins. Si les années 80 parlent beaucoup de Réginald, une autre personnalité a fait son apparition, toujours sous les traits d'un nom : le Baron Noir. Intermédiaire sur trois continents depuis des années. Il est même très probable que ce pseudonyme soit comme un titre et qu'il concerne plusieurs générations de personne. Il y a une semaine il a réussi à mettre la main sur un contrat manuscrit, conserver par un avocat véreux qui fût condamner à mort il y a six mois pour pédophilie. Le contrat est signé de la main de Réginald Howkins et du Baron Noir. Ce dernier y cède son contrôle sur toute l'Indonésie à Réginald Howkins, le monopole sur les importations et exportations dans le port de Jakarta entre autre, contre un pourcentage sur les exportations.

Des lettres ont également été retrouvées, des lettres entre l'avocat et des entrepreneurs en Afrique de l'Est qui paient des pirates attirant ainsi le regard sur eux, pendant ce temps les pillages, les enlèvements passent inaperçus. Encore une fois parmi les investisseurs, le Baron.

L'une de ces lettre parle d'un groupe lucratif et solitaire en Europe de l'Est, de l'implication de la mafia mais aussi de leur inflexibilité aux divers propositions du Baron. En réponse, l'avocat a simplement écrit qu'une « intervention extérieure » allait régler leur problème.

Devant ces mots, Koran est resté bouche bée, le cœur battant à vive allure sachant pertinemment que l'intervention dont il est question est celle du gouvernement anglais, celle qu'a connu Neven.

De toute évidence, le Baron avait ses entrées au sein même du gouvernement et quiconque se refusait à lui en subissait les conséquences.

Ce qui lui répugne d'avantage c'est que jamais auparavant, après toutes ces années d'enquêtes, jamais on lui avait parlé de ces mystérieux parrains internationaux du crime et pourtant sur la lettre confirmant l’intervention, la date, le jour, l'heure, à l'encre noir, il a reconnu la signature de Paul Goodman, ancien directeur d'Interpol. 

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