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Le Chasseur {Chapitre 37}

Publié le par danouch

Les yeux exorbités et le souffle court, Eden arrive en trombe sur le parking de l’aire d’autoroute que son père lui avait indiquée. Il a à peine ralenti en prenant l’aile de sortie et la voiture ressemble à un taureau en pleine charge plutôt qu’à une vieille Ford défoncée. Le moteur laisse échapper de la fumée et Eden a roulé plein gaz sur presque quatre-vingt kilomètres. Il aurait préféré éteindre les feux et passer inaperçu mais la lumière du jour dévoile peu à peu tous les protagonistes de l’affaire. Eden ne pensait pas avoir un rôle à jouer dans cette affaire qui pourrait lui coûter la vie.

Il n’ose même pas regarder dans le coffre de sa voiture, il ne veut pas y voir un cadavre ou pire le Marchand qui esquisserait un large sourire en lui présentant le flingue sous le nez. Il ne veut pas sortir pour s’exposer à terrain découvert, en même temps, il ne peut pas rester dans la voiture, inactif, et commettre la même erreur que de s’arrêter.

Une douleur fulgurante lui scie la joue. Du sang perle. Une blessure de plus. Dans un geste inconscient, plus pour se rassurer que pour s’en servir, il attrape les fournitures qu’il vient d’acheter et s’éjecte du véhicule en boule. L’aire était déserte, raison pour laquelle Jack l’avait choisie. Le problème, c’est qu’elle offrait peu de protection à Eden.

Hors d’haleine, le jeune homme frôle les arbres en rampant comme les chats, plié en deux, incapable de se donner une direction. Il court sans s’arrêter, il ne sait pas où mais il court. L’important, c’est de courir. Le cœur au bord des lèvres à cause du sang qui lui monte à la tête, le corps entier douloureux et la panique dans les yeux, il se planque derrière un arbre et vérifie fébrilement son chargeur. Il lui reste deux balles.

Un craquement de branche le raidit et il se recroqueville, les épaules affaissées et les genoux repliés, offrant le moins de surface corporelle possible. Son cœur bat la chamade mais il tente de garder les yeux ouverts et de ne surtout pas perdre son sang-froid.

Il ferme à nouveau les yeux pour s’échapper de la réalité et de la subjectivité de ses sens pour se focaliser sur son environnement sans ses a priori. Le caquètement de l’oiseau à quelques centimètres au-dessus devient plus clair, son ouïe s’affine quand son cœur se calme. Soudain, il entend un tic tac régulier ! Eden rouvre les yeux pour courir le plus loin possible de la voiture. Il percute violemment un obstacle lourd et cligne des yeux avant de reprendre ses esprits. Ce n’est plus une épaule endolorie qui le fait souffrir mais une douleur lancinante qui lui traverse le membre. Eden s’agite et semble perdu en constatant que son corps ne se déplace pas alors que ses jambes bougent. Il est immobilisé. Le Marchand lui enfonce le canon dans les côtes et Eden se glace de terreur. Il hurle mais une main lui bloque immédiatement le son, ce qui fait qu’il n’a pas émit plus qu’un glapissement. Les rares personnes qui boivent leur café ne semblent pas paniquées alors qu’une voiture vient d’exploser !

Eden regarde autour de lui. la voiture est intacte, pas un débris ne jonche le sol et personne ne hurle. Comme dans un autre monde, une dizaine de personnes flâne, se dégourdit les jambes ou prennent une pause avec leur chien qui gambade joyeusement au bout de sa laisse. Lui aussi est en laisse en ce moment. En fermant les yeux, il a imaginé que la voiture explosait, pire, il a entendu l’explosion et vu la voiture éclater en milles morceaux.

Que lui arrive-t-il ? Le contrecoup ? Le choc ? Mais comment a-t-il pu se jeter dans les bras du Marchand de Sable à cause d’une illusion ? Le Marchand de Sable le fouille, Eden sait ce qu’il cherche mais il n’est pas complètement fou, il l’a bien caché. A un endroit où les gens se retourneront forcément s’il est obligé de l’atteindre.

Eden tente de se débattre mais ce n’est pas comme s’il avait une grande latitude de mouvements avec l’arme enfoncée dans ses côtes.

- Où es ton petit copain ? Siffle la voix rauque et froide du Marchand.

- Il est pas là, imbécile. Il ne se jetterait pas dans la gueule du loup.

- Oh si, je suis sûr qu’il ne saura pas résister.

- C’est vous qui êtes fou à lier, pas Sevan. Il n’est pas idiot au point de se rendre.

- Je suis sûr qu’on va trouver un terrain d’entente, susurre le Marchand en passant le canon de son arme sur ses fesses.

Eden se raidit en sentant l’objet sur sa raie. Le Marchand lui attache rapidement les mains dans le dos et le force à le suivre. Ôté de toute liberté de mouvement, Eden ne peut qu’avancer ses pieds l’un devant l’autre. Il cherche partout, scrute chaque arbre ou chaque badaud. Il cherche un indice, une crotte de chien, un paquet de cigarette, un type au portable, n’importe quoi ! N’importe quoi qui lui indiquerait qu’il n’est pas seul. Qu’il ne va pas être enlevé bêtement. Il a cru pouvoir échapper au Marchand, il comprend à présent que le Chasseur et lui ne jouent vraiment pas dans la même cour. Mais comment a-t-il pu se faire avoir aussi facilement ?!

Qu’il soit capturé après un duel sans merci, plein d’acharnement et de violence, qu’Eden a pu perdre, il pouvait l’admettre, mais se jeter dans ses bras parce qu’il a cru qu’une bombe allait exploser, il ne l’admettait pas.

Dans geste de désespoir, Eden gonfle tous ses muscles. Il marche sur les pieds du Chasseur et, conscient que cela ne l’arrêtera pas le moins du monde, bloque son corps pour empêcher leur progression. Le Marchand lui rentre dedans et Eden en profite pour glisser et lui passer en-dessous avant qu’une poigne de fer lui attrape les cheveux et le force à se relever. Il n’a pas utilisé son arme.

- Lâche-le ! Tonne une voix qu’Eden reconnaitrait entre milles.

A sa grande sortie, Sevan se tient devant lui, apparu comme par magie, mais surtout, il tient ferment un révolver entre ses mains. Même si c’est un petit calibre, il peut faire beaucoup de dégâts tiré à bout portant.

- Lâche-le immédiatement ou je tire.

- Alors tire, déclare calmement le Marchand. Qu’est-ce que tu attends ? Tu ne sais pas viser ?

Sevan frémit sous l’insulte mais il sait très bien que le canon de l’arme de son adversaire est logé dans ses reins. Si la balle part, il peut être paralysé à vie. Autour d’eux, les gens commencent à se rendre compte que quelque chose de pas normal se trame sous leurs yeux. Les trois protagonistes sont plongés dans leur bulle et ne voient pas les gens qui courent se mettre à l’abri dans leur voiture pour partir précipitamment

Sevan attend Jack et Oz qui font le tour par derrière. Le Chasseur, quant à lui, est envoyé pour une autre mission de reconnaissance. Il a été chargé d’enquêter sur l’épouse du Marchand. Il l’a bien connue et une source personnelle a plus de chances.

Le rôle de Sevan est seulement de l’arrêter et de gagner du temps. Le mieux serait encore de le capturer tout de suite mais les deux vétérans partent du principe qu’il n’agit pas seul. Et les voilà brusquement stoppés dans leur progression par un déluge de balles. Un groupe de dix mercenaires les encercle dans la seconde qui suit. Les deux hommes se regroupent et se placent dos à dos. Une seconde s’écoule, pas plus, avant que les dix chiens se jettent sur leur proie comme des chacals. Cinq minutes suffiront aux deux hommes pour mettre leurs adversaires au tapis, le problème, c’est qu’ils n’ont peut-être pas ces cinq minutes.

Sevan ne sait pas quoi faire. Le temps semble incroyablement long et ses protecteurs n’arrivent pas alors que la situation est loin d’être sécurisée.

- Idiot ! C’est toi qu’il veut ! Qu’est-ce que tu fous là ?!

- Non mais tu croyais que j’allais te laisser tomber ?! Comment ça, c’est moi qu’il veut ?! Je lui ai rien fait, moi !

Une balle part et lui frôle la joue. Sevan n’a rien vu venir si ce n’est qu’un puissant courant d’air a fait vaciller ses cheveux courts.

- Comment oses-tu affirmer que tu n’as rien fait ?! Siffle le Marchand.

Les deux garçons sont glacés d’effroi face à l’attitude soudainement agressive du Marchand. Jusque-là, il accomplissait tous ces actes par habitude, même si des motivations personnelles les motivaient. Là, l’atmosphère change d’un coup. Le Marchand qui n’était pas spécialement doux, devient acéré et, s’il est possible encore, nettement plus impressionnant.

- Tu ne devrais pas être en vie, tu as tué mon bébé !

- Quoi ? Blêmit Sevan. Je n’ai rien fait du tout ! Je n’ai tué personne.

Une deuxième balle fuse.

- Maintenant, tu te tais où la prochaine se logera directement dans ton cœur et tant pis pour ma vengeance. Soit tu me suis bien gentiment et ton petit copain aura la vie sauve soit tu résistes et je te le laisse imaginer la suite.

- Qu’est-ce que vous me voulez à la fin ?! Tremble Sevan, oubliant son arme pourtant plus lourde que du plomb.

- Moi ? Mais rien d’autre que ton cœur, voyons, souffle le Marchand, presque tendre. Je vais te l’arracher lentement après t’avoir fait souffrir aussi longtemps que moi j’ai souffert parce que tu as volé la vie de mon enfant.

- Arrêtez, je ne comprends rien !

- Ne t’inquiète pas ! Nous aurons tout notre temps pour que je t’explique et bien plus encore ! Alors tu me suis ?

Sevan croise le regard d’Eden, un regard effrayé qui lui intime de ne rien faire. Mais Sevan ne peut pas ignorer les menaces de leur ennemi et il sait qu’il n’hésitera pas à les mettre à exécution. Son destin se jouait sur un parking d’autoroute, délabré.

- Evidemment que je vous suis, déglutit Sevan sans pouvoir ignorer la boule de détresse qui vient de se loger dans sa gorge. Il est terrorisé. Les mots du Marchand n’ont ni queue ni tête mais ils veulent bien dire ce que ça veut dire. Pour autant, jamais il ne pourrait abandonner Eden.

- Arrête, imbécile ! tu ne te rends pas compte !

- C’est toi qui ne te rends pas compte, réplique Sevan avec toute l’autorité que lui confère son ainesse. D’un coup, Eden se calme. « Tu sais très bien que je ne peux pas rester sans rien faire.

- Bien sûr que si…

- Vos retrouvailles sont bien touchantes mais elles m’importunent. Sevan, tourne-toi. Eden, tu lui mets ça, ordonne le Marchand en lui coupant les liens avant de lui tendre des menottes d’acier. Et n’essaie pas de résister.

Eden, le cœur lourd et incapable d’avancer, regarde sans comprendre l’objet entre ses mains. Le Marchand insiste et c’est comme un automate qu’il réduit la distance avec son amant. A ses côtés, il veut le prendre dans ses bras et respirer son odeur, à l’abri de son cœur. Sevan ressent le même élan d’affection mais c’est une lueur de détresse qui noie leur regard.

Eden s’approche de Sevan et ce dernier sent son souffle chaud sur sa gorge. Il tend les mains, soumis, conscient que s’il résiste, une balle se figera dans la seconde dans la colonne vertébrale d’Eden. A peine le bracelet refermé que Sevan a l’impression d’avoir des chaines plus lourdes que le ciment. Il se jette sur Eden qui le prend dans ses bras.

- Où sont Oz et mon père ?

- Je ne sais pas. Ils devraient déjà être là. On s’est séparés avant de prendre la sortie.

Sevan dépose un baiser sur sa nuque et réduit la distance avec le Marchand en se plaçant devant Eden pour le protéger. Ce dernier, incapable de rester sans réagir, se saisit de l’arme que Sevan lui a glissée entre les doigts. Le Marchand n’avait pas jugé utile de leur en débarrasser et il n’hésite pas à tirer. Il la pare sans bouger, avec son pistolet. Il le vise sur Eden mais Sevan se jette entre eux en hurlant.

- Non ! C’est moi que vous voulez. Ne faites rien à Eden !

Mais Eden n’a pas dit son dernier mot. Le Marchand est peut-être impassible mais pas Sevan. Au moment où ce dernier se rend enfin à lui, Eden pose sa main par terre et se tire dessus. La réaction de Sevan est immédiate et il se retourne brusquement. Une seconde d’inattention de la part du Marchand qui suffit à Eden pour lui tirer dessus. Il ne prend pas la peine de viser, il n’a pas le temps, il faut juste que la balle le touche. Il a une chance toute relative aujourd’hui mais elle vient se figer en plein dans son œil droit. Ce dernier hurle et Sevan lui fonce dedans en le faisant tomber par terre. L’un tout juste éborgné, l’autre menotté et enfin le dernier estropié, la lutte devient folle.

Le Marchand donne un coup de coude dans la gorge de Sevan qui lui coupe la respiration. Il échappe à sa prise, le corps en sang, et s’élance au loin en se dirigeant vers une voiture. Les deux garçons le laissent s’enfuir, épuisés et blessés, heureux d’être en vie et incapables d’aller plus loin, paralysés sur place.

Ils s’embrassent passionnément, se saisissent à bras le corps et Eden ne se soucie pas de maculer Sevan de sang en le serrant dans ses bras. Menotté, Sevan est frustré de ne pas pouvoir lui rendre la pareille mais il se laisse glisser contre lui, le nez dans son cou en respirant son odeur, sa transpiration brûlante qui lui confirme qu’il est bien en vie. Aujourd’hui, ils ont réussi à mettre en fuite le plus dangereux assassin de leur époque.

Ça ne s’est pas fait sans séquelle : Eden s’est tiré dessus et Sevan est menotté, porteur d’un billet bon pour un aller simple pour l’enfer. Eden aurait peut-être dû s’inquiéter pour son père qui ne revenait toujours pas mais les deux garçons étaient incapables de se relever. C’est comme s’ils dormaient debout.

Enfin, Jack et Oz arrivèrent, tout aussi blessés. Les cinq minutes se sont transformées en une heure : leurs ennemis étaient bien plus nombreux qu’à la base et équipés. A deux, ils avaient eu plus du mal à contenir leurs assauts. Mais leurs doutes ont été confirmés. Le Marchand de Sable s’est préparé. Il sait que parvenir à ses fins ne sera pas sans difficultés, pour peu qu’il n’y arrive jamais et n’a pas sous-estimé Jack et ses co-équipiers. C’était une véritable armée privée qu’ils ont affrontée, d’autres ne s’en seraient pas sortis, et s’ils avaient foncée tête baissée, ils ne seraient pas vivants à cette heure-ci. Quand Jack et Oz ont entendu les coups de feu répétés, ils ont compris que la situation était loin d’être calmée pour les jeunes mais ils étaient dans l’impossibilité de les secourir.

C’est sous le choc, épuisés et effondrés, qu’ils les retrouvent en plein milieu du parking, Sevan menotté et Eden gravement blessé. Ils sursautent quand Jack pose une main sur chacune de leur épaule.

- Venez, les garçons, allons nous reposer.

Ils se laissent faire, comme s’ils étaient démantibulés. Oz soutient Sevan tandis que Jack prend soin de son fils. Il ne peut s’empêcher de se traiter d’incompétent fini en laissant deux garçons aux prises d’un assassin sans foi ni loi tout en étant fier d’eux. Dans la voiture, ils s’endorment immédiatement, la tête posée l’une contre l’autre tandis qu’Oz conduit et que Jack les regarde, pensivement.

Sevan a bien évolué depuis qu’il l’a vu débarquer chez lui, en colère contre des gens qui se permettent de diriger sa vie sans lui demander son avis, perdu mais en même temps poli et aimable. Il repense à l’attitude d’Eden avant son arrivée. Son fils était beaucoup plus froid, désabusé et marqué par une vie monotone. Au plus profond de lui, Jack voyait Eden comme lui, un militaire compétent et capable de commander tout un régiment. Aujourd’hui, il se rend compte qu’il a pris ses rêves pour la réalité en confiant une mission que d’aucun auraient refusé. Une mission qu’il n’aurait pas confiée à la première recrue qui était pourtant plus apte qu’Eden à accomplir. Mais il a réussi et il a même réussi à faire fuir le Marchand de Sable.

Attendri par le spectacle qui s’offre à lui, Oz se moque gentiment de lui en le traitant de vieux rabougri gâteux.

- Qu’est-ce que tu penses de l’homosexualité ?

- Je pense qu’on s’en fout. Ces petits gars ont accompli un véritable exploit aujourd’hui. T’as dû prendre un coup plus sérieux sur la tête que je ne le pensais, grommèle Oz.

- C’est mon fils, affirme Jack tout joyeux avant de se prendre une claque sur le crâne. Aïeuh !

- Je t’avais prévenu !

- N’importe quoi !

- Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? S’enquit Oz.

- On va traquer le Marchand bien sûr.

- Sans blague ! Par où on commence ?

- Si on n’a pas de nouvelles de Seth, on pourra enquêter sur l’institutrice qui est décédée plus précisément. Il faudrait déterminer où, comment et quand elle a appris pour le père de Sevan.

- Ça ne nous aidera pas à retrouver le Marchand dans l’immédiat.

- Non. Malheureusement, je crains qu’il nous faille un appât.

- Sevan ?

- C’est tout de même trop dangereux.

- Il faut trouver un autre appât. N’importe quoi. Quelque chose qui soit lié de près ou de loin. Son enfant, qu’est-ce qu’on sait sur lui.

- Rien à part qu’il est mort.

- On peut peut-être lui donner des informations sur l’organisatrice du réseau. Je suis sûr que le Marchand de sable ne peut pas passer à côté de la femme qui a mis ça sur place.

- Tu oublies une chose : ce n’est pas un justicier. Il n’est motivé que par sa vengeance et il ne s’arrêtera pas avant d’avoir tuer Sevan. C’est pas un gamin de vingt balais qui va l’arrêter.

- Quoi d’autre ?

- On en sait trop peu sur lui. Sur sa vie privée.

- J’ai une idée un peu folle… On peut lui voler sa vengeance.

- Comment ça ?

- On enferme Sevan dans un huis clos, de manière à ce que personne ne puisse l’approcher. Mais ! On l’enferme avec une bombe…

- Pardon ? S’étrangle Jack.

- Laisse-moi finir. Le Marchand de Sable ne laissera jamais ça arriver : ça fait vingt ans qu’il court après sa vengeance ! Tu crois qu’il va laisser des petits bouseux la lui priver ? Il sera obligé de passer par toi s’il veut atteindre Sevan et c’est là que tu rentres en action.

- Mais on est obligé de lui coller une bombe ?

- Tu crois vraiment qu’on peut berner un type comme lui ?

- Le problème, c’est que tu joues trop sur spéculation avec ton plan. Tu pars du principe que le Marchand agira alors que rien n’est moins sûr.

- Bien sûr que si, il agira.

- C’est aussi risqué que de l’appâter directement avec Sevan.

- Personnellement, je préfèrerai avoir une bombe pour compagnie que le Marchand.

- Parce que c’est toi. Là, on parle de Sevan. C’est trop risqué.

- Depuis quand tu…

- Laisse tomber, je te dis.

- Tu peux toujours passer une annonce au JT : « recherche assassin cruel et sans pitié, prière de contacter le 111 »

Sevan et Eden sont gentiment secoués pour sortir de la voiture. Le deuxième avait la main grossièrement bandée quand le premier est toujours menotté. Ils montent péniblement les escaliers, pris de vertige et de nausée. Eden s’appuie contre Sevan, transpercé par une douleur inimaginable. Ils sont conduits dans une chambre. Jack sort une tronçonneuse et Sevan préfère ne pas demander d’où elle sort. Il tend les mains devant lui en les écartant le plus possible.

C’est plus qu’une libération quand la chaîne se brise. Il a le sentiment de recouvrer sa volonté qui, jusqu’alors, semblait amorphe, comme si le métal lui avait aspiré son fluide vital. Il retrouve une réelle énergie et Jack lui conseille de prendre une douche pendant qu’il s’occupe de son fils. Sevan préférerait rester avec eux mais il reconnait que ça ne peut pas lui faire de mal. Quelque que soit la planque, celle-ci est toujours bien équipée ; des affaires propres sont rangées dans le placard et il se saisit d’une tenue complète à sa taille. Il est loin des planques qu’il s’imagine délabrée, pas chauffée et tout juste habitable si ce n’est qu’elle offre un toit sur la tête. Sevan prend son temps sous la douche en contraste après la récente frénésie.

Qui aurait pu prévoir tout ce qui allait se passer quand il partait ? Que voulait dire le Marchand quand il affirmait que tout était de sa faute ? Sevan secoue la tête en se rendant compte qu’il se lançait dans une conjecture dont il pouvait très bien se passer. Il voulait simplement profiter de la douche, se relaxer et se sentir propre. L’eau chaude coule sur lui de manière délicieuse et il pourrait rester une heure ainsi mais la présence d’Eden lui manque.

Ce dernier se fait toujours soigner par son père lorsqu’il revient dans la pièce, la tête allongée sur l’oreiller, les yeux fermés. Il semble au repos mais il ne fait que somnoler.

- Tu te sens mieux ? S’enquit Jack.

- Oui, en pleine forme.

- Tu devrais manger un morceau dans la cuisine. Il y a toujours des biscuits et du lait qui se conservent longtemps. Il faut toujours manger quand on peut, en mission.

- D’accord, obéit sagement Sevan, n’ayant pas trop la force de discuter.

Il caresse Eden puis l’embrasse discrètement sur la joue avant de sortir. Dans la cuisine, il grignote ses biscuits bretons en avalant son bol de lait goulument plus le verre de jus d’orange. Oz n’était pas là. Propre, nourri et en sécurité, il se sentait effectivement mieux. Et au côté d’Eden quelques minutes plus tard, il se sentait presque heureux. En sentant sa présence contre lui, Eden se colle contre lui.

- Ça va, sa main ? S’inquiète Sevan.

- C’est très douloureux mais ça va bien guérir avec le temps. La balle l’a traversé, il n’y a aura pas plus de dégâts que le trou mais la peau va se reformer. Ça va le lancer pendant quelques temps.

- Pourquoi vous avez mis autant de temps ?

- Notre hypothèse était juste. Notre homme s’est entouré d’une armée de guerre pour mener son plan à exécution sans être gêné par les parasites. Nous avons été ralentis. Excuse-nous, nous avons failli une nouvelle fois.

Sevan garde le silence. Cette séance où ils sont réunis tous les trois. Personne ne parle, chacun se berce par sa présence. Une fois soigné, c’est au tour d’Eden de se laver et de se sustenter. Jack les incite fortement à se reposer.

- Je vous réveillerai s’il se passe quoi que ce soit. Mais nous avons des choses à mettre en place.

Sevan s’enroule sous la couette. En se retournant, il voit Jack et Eden se serrer dans les bras. Ce spectacle l’émut autant qu’il l’attriste. Il ne s’autorise même pas à penser à sa mère. Quand il a voulu retrouver Cédric, il est mort ; la dernière fois qu’il a eu des nouvelles de son père, il était en prison. Et sa mère ?

Eden a le sourire aux lèvres quand il se tourne vers Sevan mais ils s’embrassent rapidement. Sevan parcourt habilement le corps de son amant avec la paume de sa main. Il le caresse tendrement pour retrouver un peu d’amour et d’émotion dans toute cette violence puis dépose des baisers partout, le creux de son bras, sa gorge, son torse et l’intérieur de ses cuisses. Eden le rappelle à lui, ils s’embrassent à nouveau.

- Comment tu te sens ?

- On discutera après. Je veux juste profiter de tes bras. Tu m’as manqué.

- Toi aussi. Je t’aime, Sevan. Quoiqu’il puisse se passer.

Sevan le regarde intensément pour s’imprégner de ses paroles avant de lui rendre ses sentiments.

- Moi aussi. Je suis vraiment heureux d’être avec toi et j’espère qu’on pourra grandir ensemble.

- Embrasse-moi, sourit Eden.

Sevan attrape ses lèvres et danse avec sa langue, retrouvant avec plaisir un corps qui ne lui avait que trop manqué. Il reprend ses caresses et ses baisers. Il parcourt tout le corps d’Eden avec passion et tendresse à la fois. Sa peau était délicieuse et son corps le réclamait.

Il descendit jusqu’à son nombril qu’il mordilla puis plus bas encore où il prit son sexe en bouche. Il a l’impression de revenir à la vie en goûtant sa semence et pour Eden, c’est plus fort encore. Il l’englobe de tout son long en remontant jusqu’à la pointe, jusqu’au gland. Il mordille la peau à son maximum et lèche les parois comme une glace qui pétille dans bouche. Il alterne parfois avec des caresses ou en saisissant ses bourses à pleine mains tandis qu’il attrape son sexe avec ses dents. Eden est tiraillé par toutes ces sensations différentes et attrape les cheveux de son amant pour le faire aller plus loin. Sevan accélère enfin ses va-et-vient tout en mordant sur son gland et avale sa semence quand Eden jouit. Il l’embrasse en la lui faisant goûter. Il prépare ensuite sa cavité en pénétrant un doigt alors qu’il reprend son sexe avec ses dents. Il le laisse s’habituer ensuite avec deux doigts puis humidifie sa cavité avec sa langue. Sentir la pointe de sa langue excite Eden qui veut aller plus loin. Sevan laisse son sexe se promener contre sa cavité, contre ses cuisses avant de le diriger enfin sur sa cavité.

Il le pénètre lentement en le caressant le long de son torse. Eden lui prend la main et la pose avec autorité sur son sexe que Sevan travaille à nouveau tout en l’excitant sur ses tétons. Eden bascule son bassin pour qu’il aille plus loin et Sevan augmente la cadence. Les bassins claquent, c’est un bruit dont il ne se souvenait presque plus. En feu, le cœur haletant, il battait la chamade, mais cette fois, c’était du pur plaisir. Sevan poussa encore plus loin tant que ses muscles le lui permettaient, s’appuyant lourdement sur le matelas pour s’enfoncer encore. Le bassin irradié de désir, il ferme les yeux en savourant cette intensité, ce moment de plaisir incarné avant que ça ne retombe.

Les deux garçons jouissent ensemble, la semence de Sevan s’écoule sur le torse de son cadet. Ils s’effondrent essoufflés, Eden prend un mouchoir pour s’essuyer avant d’embrasser son compagnon passionnément. Ce soir, ils n’iront pas plus loin, ils sont épuisés mais Sevan a l’impression de retrouver Eden. Ses mots résonnent dans son cœur comme une promesse dans l’avenir et il serre fortement son amant avant de s’endormir, comblé, en espérant que ce moment dure à jamais.

Le Chasseur {Chapitre 37}

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